A la braderie des enfants rouges je ne sais pas trop pourquoi J'aurais voulu t'y voir te rencontrer là On se serait dit bonjour et pas casse-toi On se serait peut être même fait un sourire mais pas boire un coup faut pas pousser Puis on serait reparti chacun dans notre vie effaçant de notre esprit l'hier qui n'est pas fier Adieu beauté je saigne encore de ma bêtise j'ai beau essorer mon âme qu'il en coule toujours le jus de nos méprises A la braderie des enfants rouges de vieilles histoires s'étalent sur le trottoir de vieux souvenirs aquichant le chaland Dix francs pour une nouvelle vie hé ! tu m'emmènes chérie J'ai bien cherché j'ai rien retrouvé que tu puisses habiter un brin ces souvenirs n'étaient pas les miens A la braderie des enfants rouges J'aurais pu y vendre mon cœur comme d'autres vendent des fleurs j'aurais pu me mettre nu comme un chien dans la rue il se peut même que j'aboie Emmenez-moi emmenez-moi
(...) Garde tout au fond, Tout au fond de toi Un vide, un endroit Derrière les fêtes Où poser la tête Dans le vent du soir Bercer ces vieux rêves Même s'il fait noir Bercer ces vieux rêves Même s'il fait noir (...)
A mes oiseaux piaillant debout Chinés sous les becs de la nuit Avec leur crêpe de coutil Et leur fourreau fleuri de trous A mes compaings du pain rassis A mes frangins de l'entre-bise A ceux qui gerçaient leur chemise Au givre des pernods-minuit
A l'Araignée la toile au vent A Bifteck baron du homard Et sa technique du caviar Qui ressemblait à du hareng A Bec d'Azur du pif comptant Qui créchait côté de Sancerre Sur les midnights à moitié verre
Aux spécialistes de la scoumoune Qui se sapaient de courants d'air Et qui prenaient pour un steamer La compagnie Blondin and Clowns Aux paumés qui, la langue au pas En plein hiver mangeaient des nèfles A ceux pour qui deux sous de trèfle Ça valait une Craven A
A ceux-là je laisse la fleur De mon désespoir en allé Maintenant que je suis paré Et que je vais chez le coiffeur Pauvre mec mon pauvre Pierrot Vois la lune qui te cafarde Cette américaine moucharde Qu'ils ont vidée de ton pipeau
Ils t'ont pelé comme un mouton Avec un ciseau à surtaxe Progressivement contumax Tu bêles à tout-va la chanson Et n'achètes plus que du vent Encore que la nuit venue Y'a ta cavale dans la rue Qui hennit en te klaxonnant
Le droit la loi la foi et toi Et une éponge de vin sur Ton beaujolais qui fait le mur Et ta pépée qui fait le toit Et si vraiment dieu existait Comme le disait Bakounine Ce camarade vitamine Il faudrait s'en débarrasser
Ton traînes ton croco ridé Cinquante berges dans les flancs Et tes chiens qui mordent dedans Le pot-au-rif de l'amitié Un poète ça sent des pieds On lave pas la poésie Ça se défenestre et ça crie Aux gens perdus des mots fériés Des mots oui des mots comme le Nouveau Monde Des mots venus de l'autre côté de la rive Des mots tranquilles comme mon chien qui dort Des mots chargés des lèvres constellées Dans le dictionnaire des constellations de mots Et c'est le bonnet noir que nous mettrons sur le vocabulaire Nous ferons un séminaire particulier Avec des grammairiens particuliers aussi Et chargés de mettre des perruques Aux vieilles pouffiasses littéromanes
Il importe que le mot amour Soit rempli de mystère et non de tabou, De péché, de vertu, de carnaval romain Des draps cousus dans le salace Et dans l'objet de la policière voyance ou voyeurie Nous mettrons de long cheveux aux prêtres de la rue Pour leur apprendre à s'appeler dès lors monsieur l'abbé Rita Hayworth Monsieur l'abbé Bibi - fricoti - fricota Et nous ferons des prières inversées Et nous lancerons à la tête des gens des mots Sans culotte Sans bande à cul Sans rien qui puisse jamais remettre en question La vieille la très vieille et très ancienne et démodée querelle Du qu'en-dirons-ils Et du je fais quand même mes cochoncetés en toute quiétude Sous prétexte qu'on m'a béni Que j'ai signé chez monsieur le maire de mes deux mairies Alors que ces enfants dans les rues sont tout seuls Et s'inventent la vraie galaxie de l'amour instantané Alors que ces enfants dans les rues s'aiment et s'aimeront Alors que cela est indéniable Alors que cela est de toute évidence et de toute éternité Je parle pour dans dix siècles et je prends date On peut me mettre en cabane On peut me rire au nez ça dépend de quel rire Je provoque à l'amour et à l'insurrection Yes! I am un immense provocateur Je vous l'ai dit Des armes et des mots c'est pareil Ça tue pareil Il faut tuer l'intelligence des mots anciens Avec des mots tout relatifs, courbes, comme tu voudras Il faut mettre Euclide dans une poubelle
Mettez-vous-le bien dans la courbure C'est râpé vos trucs et manigances Vos démocraties où il n'est pas question de monter à l'hôtel avec une fille Si elle ne vous est pas collée par la jurisprudence C'est râpé Messieurs de la Romance
Nous, nous sommes pour un langage auquel nous n'entravez que couic Nous sommes des chiens et les chiens, quand ils sentent la compagnie, Ils se dérangent et on leur fout la paix Nous voulons la paix des chiens Nous sommes des chiens de bonne volonté Et nous ne sommes pas contre le fait qu'on laisse venir à nous certaines chiennes Puisqu'elles sont faites pour ça et pour nous Nous aboyons avec des armes dans la gueule Des armes blanches et noires comme des mots noirs et blancs Noirs comme la terreur que vous assumerez Blancs comme la virginité que nous assumons Nous sommes des chiens Et les chiens, quand ils sentent la compagnie, Ils se dérangent, ils se décolliérisent Et posent leur os comme on pose sa cigarette quand on a Quelque chose d'urgent à faire Même et de préférence si l'urgence contient l'idée de vous foutre sur la margoulette
Je n'écris pas comme De Gaulle ou comme Perse Je cause et je gueule comme un chien
Je voudrais pas crever Avant d'avoir connu Les chiens noirs du Mexique Qui dorment sans rêver Les singes à cul nu Dévoreurs de tropiques Les araignées d'argent Au nid truffé de bulles Je voudrais pas crever Sans savoir si la lune Sous son faux air de thune A un coté pointu Si le soleil est froid Si les quatre saisons Ne sont vraiment que quatre Sans avoir essayé De porter une robe Sur les grands boulevards Sans avoir regardé Dans un regard d'égout Sans avoir mis mon zobe Dans des coinstots bizarres Je voudrais pas finir Sans connaître la lèpre Ou les sept maladies Qu'on attrape là-bas Le bon ni le mauvais Ne me feraient de peine Si si si je savais Que j'en aurai l'étrenne Et il y a z aussi Tout ce que je connais Tout ce que j'apprécie Que je sais qui me plaît Le fond vert de la mer Où valsent les brins d'algues Sur le sable ondulé L'herbe grillée de juin La terre qui craquelle L'odeur des conifères Et les baisers de celle Que ceci que cela La belle que voilà Mon Ourson, l'Ursula Je voudrais pas crever Avant d'avoir usé Sa bouche avec ma bouche Son corps avec mes mains Le reste avec mes yeux J'en dis pas plus faut bien Rester révérencieux Je voudrais pas mourir Sans qu'on ait inventé Les roses éternelles La journée de deux heures La mer à la montagne La montagne à la mer La fin de la douleur Les journaux en couleur Tous les enfants contents Et tant de trucs encore Qui dorment dans les crânes Des géniaux ingénieurs Des jardiniers joviaux Des soucieux socialistes Des urbains urbanistes Et des pensifs penseurs Tant de choses à voir A voir et à z-entendre Tant de temps à attendre A chercher dans le noir
Et moi je vois la fin Qui grouille et qui s'amène Avec sa gueule moche Et qui m'ouvre ses bras De grenouille bancroche
Je voudrais pas crever Non monsieur non madame Avant d'avoir tâté Le goût qui me tourmente Le goût qu'est le plus fort Je voudrais pas crever Avant d'avoir goûté La saveur de la mort...
Je vous mets cette autre chanson de Jacques Brel qui est ma préférée parmi toutes. La version "en concert" rajoute un petit quelque chose à cette chanson célèbre.
Paroles de Jacques Brel - Ces gens là D'abord il y a l'aîné Lui qui est comme un melon Lui qui a un gros nez Lui qui sait plus son nom Monsieur tellement qui boit Ou tellement qu'il a bu Qui fait rien de ses dix doigts Mais lui qui n'en peut plus Lui qui est complètement cuit Et qui se prend pour le roi Qui se saoule toutes les nuits Avec du mauvais vin Mais qu'on retrouve matin Dans l'église qui roupille Raide comme une saillie Blanc comme un cierge de Pâques Et puis qui balbutie Et qui a l'œil qui divague Faut vous dire Monsieur Que chez ces gens-là On ne pense pas Monsieur On ne pense pas on prie
Et puis, il y a l'autre Des carottes dans les cheveux Qu'a jamais vu un peigne Ouest méchant comme une teigne Même qu'il donnerait sa chemise A des pauvres gens heureux Qui a marié la Denise Une fille de la ville Enfin d'une autre ville Et que c'est pas fini Qui fait ses petites affaires Avec son petit chapeau Avec son petit manteau Avec sa petite auto Qu'aimerait bien avoir l'air Mais qui n'a pas l'air du tout Faut pas jouer les riches Quand on n'a pas le sou Faut vous dire Monsieur Que chez ces gens-là On ne vit pas Monsieur On ne vit pas on triche
Et puis, il y a les autres La mère qui ne dit rien Ou bien n'importe quoi Et du soir au matin Sous sa belle gueule d'apôtre Et dans son cadre en bois Il y a la moustache du père Qui est mort d'une glissade Et qui recarde son troupeau Bouffer la soupe froide Et ça fait des grands flchss Et ça fait des grands flchss Et puis il y a la toute vieille Qu'en finit pas de vibrer Et qu'on attend qu'elle crève Vu que c'est elle qu'a l'oseille Et qu'on écoute même pas Ce que ses pauvres mains racontent Faut vous dire Monsieur Que chez ces gens-là On ne cause pas Monsieur On ne cause pas on compte
Et puis et puis Et puis il y a Frida Qui est belle comme un soleil Et qui m'aime pareil Que moi j'aime Frida Même qu'on se dit souvent Qu'on aura une maison Avec des tas de fenêtres Avec presque pas de murs Et qu'on vivra dedans Et qu'il fera bon y être Et que si c'est pas sûr C'est quand même peut-être Parce que les autres veulent pas Parce que les autres veulent pas Les autres ils disent comme ça Qu'elle est trop belle pour moi Que je suis tout juste bon A égorger les chats J'ai jamais tué de chats Ou alors y a longtemps Ou bien j'ai oublié Ou ils sentaient pas bon Enfin ils ne veulent pas Parfois quand on se voit Semblant que c'est pas exprès Avec ses yeux mouillants Elle dit qu'elle partira Elle dit qu'elle me suivra Alors pour un instant Pour un instant seulement Alors moi je la crois Monsieur Pour un instant Pour un instant seulement Parce que chez ces gens-là Monsieur on ne s'en va pas On ne s'en va pas Monsieur On ne s'en va pas Mais il est tard Monsieur Il faut que je rentre chez moi.